Contexte : Janvier 2009. Adriana, alors in love total de son kanak champion du monde, fait la promo du En
Terre Inconnue tourné en Ethiopie pour France 2.
Support : Mens Health
Lieu : Théâtre Mogador
Mots clefs (ou pas) : Communisme – Féminisme –
Secourisme
Tu gardes quel souvenir de ton enfance en
Tchécoslovaquie ?
Je n’ai manqué de rien. Ma mère était médecin et mon père
ingénieur, même si la paie dans le système communiste ne dépendait pas des
études ou des métiers. Tout le monde avait à peu près le même salaire pour qu’il n’y ait pas de
chômage. On avait de quoi s’offrir une voiture, manger, mais on ne pouvait pas
voyager ou s ‘offrir des objets de plaisir, c’était très modeste. On ne pouvait
pas écouter la musique ni voir les films venus de l’Ouest. Je me rends compte
aujourd’hui de ce manque de culture accumulé sur les 20 ans que j’ai passés là
bas.
Comment on se rend compte qu’on passe à côté de quelque
chose ?
On ne s’en rend pas compte. Le plus dur c’est le manque de
liberté et l’énorme exigence de discipline. L’éducation était une énorme
priorité, on nous disait que ce qui comptait c’était ce qu’il y avait dans nos
têtes plus que l’argent. Ça avait un certain côté positif d’ailleurs, il faut
le reconnaître. Mais j’étais très contente à 20 ans de me dire que j’allais pouvoir me reconstruire.
Ce qui n’était pas le cas de mes parents, pour eux c’est difficile de changer
l’esprit, c’est trop ancré. Quelque- part, ils sont toujours dans l’ancien
régime. C’est triste de voir une génération perdue.
Ça te vient de là l’envie d’exercer dans un univers de
voyage et de luxe ?
Je n’avais pas ce rêve. Je ne pouvais même pas imaginer tout
ça : aller à New York, en vacances à Paris. En plus j’ai été éduqué par
mes parents dans l’optique de ne pas avoir trop d’attente pour le futur. Il fallait
toujours avoir un plan B au cas où le plan A échouerait, c’était très
pessimiste. Moi j’étais contente de mes
études, j’étais prise dans la meilleure université de médecine du pays. Le
mannequinat est arrivé par hasard. Si j’y suis allé en domptant ma peur, moi
qui était maladivement timide, c’est parce que je me suis dit : de toute
façon ça ne va pas marcher. J’ai juste gagné un concours grâce à une personne
rencontrée dans la rue. J’ai dit oui parce qu’il y avait l’opportunité d’aller
à Paris.
Quelle était la place des femmes dans ce régime, et la
relation des gens à la beauté ?
La beauté, comme tout ce qui était extérieur, n’était pas
important. Le stylisme n’existait pas. On achetait dans un seul magasin, dans
ma classe tout le monde était habillé avec le même pull. J’avais la chance
d’avoir une mère très belle et très portée sur le stylisme. Elle nous a
fabriqué des vêtements elle-même, elle nous a appris les premiers gestes de
beauté. A 15 ans c’est elle qui m’a enjoint de me maquiller, alors que dans les
pays occidentaux, on voit souvent les mères encourager le contraire. C’est elle
qui m’a appris à mettre en avant ma féminité, une féminité qui manquait
beaucoup dans ce régime.
Au niveau de la séduction et du sexe, il y avait de tabous
dans cette société ?
Pas plus qu’ailleurs. Cette société n’était pas puritaine. Le grand tabou c’étaient les pays hors du
système communiste. On nous mentait sur notre histoire, sur ce qui se passait
dans le monde. Quand le régime est tombé il a fallu ré-écrire les livres
d’histoire.
A quel âge tu t’es rendu compte que tu étais jolie et
regardé par les hommes ?
J’étais tellement timide que je n’osais même pas m’acheter
un billet de train. Si je croisais une connaissance dans la rue je me cachais pour ne pas dire
bonjour. Ma chance c’est qu’à 16 ans, il y avait un garçon dans ma classe, très
beau et qui me plaisait beaucoup. Pendant un an on ne s’est même pas
parlé : même pas pour se dire : prête-moi un stylo. Et après ça a été
le grand amour. C’était très beau, on était un beau couple qui a duré 5
ans. Pour moi, il n’y avait pas d’autres
garçons. Tout le monde nous disait qu’on était beaux, mais c’est le fait d’être
un beau couple amoureux qui nous rendait beaux. Je n’ai jamais pensé que
j’étais belle, je me trouvais maigre. Mais ma grand-mère me disait que j’étais
la plus belle du monde. Alors je me suis dit, peut être un jour que ça se
verra.
Tu n’as pas souffert à l’adolescence du regard des hommes,
parfois un peu lourd à porter ?
Pour moi, on ne me regardait pas. Ou alors je n’ai rien vu.
Peut être que je ne voulais pas voir. Je marchais en regardant par terre. Le
regard de tout le monde me gênait, celui des hommes comme celui des femmes. Je ne
voyais que le regard de mon copain.
Quelle éducation tu as reçue ?
Mon père était très sévère. Seule l’école comptait, il n’y
avait pas de place pour les sorties. Je n’avais le droit à rien, je devais
exécuter tout ce qu’on me demandait de faire. C’est pour ça que ma vie a
commencé en France. J’étais libre, je tenais ma vie dans mes propres mains, je
prenais mes décisions et faisait mes erreurs aussi. C’est là, notamment par le
métier que je faisais, que j’ai appris à me connaître, me construire. Et de me
dire un jour, tiens je suis peut ^rte une femme jolie.
Et ça change la vie d’être une femme jolie ?
Tout. Cela m’a permis de me rendre compte de ma féminité, et
de tout ce qu’apporte la séduction. J’ai compris que c’est avant tout mon
regard qui attire l’attention, avant ce n’était pas le cas. Avant je n’étais
pas née.
Comment on se sert de la séduction ?
La séduction, c’est ce que je vends. La force de séduction
plus exactement. Je donne mon regard et mes gestes de séduction à l’objectif,
pour la vie privée, depuis mon premier copain, je n’ai jamais eu besoin de
séduire les hommes, d’ailleurs ce sont eux qui viennent à moi. J’ai cette
chance d’être visible, très grande, alors forcément les gens me regardent. Mais
je n’ai plus à me servir de ça dans ma vie, j’ai trouvé l’homme qu’il me faut.
La séduction, elle ne sert pas qu'à séduire les hommes…
Je sais que c’est une arme, et je sais m’en servir. Je n’en
ai jamais abusé pour n’importe quelle raison. C’est aussi un jeu amusant. La
séduction intervient dans tous les rapports humains. Même avec vous dans cette
interview. J’ai pas envie de vous « séduire », mais juste un peu pour
que l’interview se passe bien. Après la séduction, elle est aussi dans les
rapports aux autres, sans parler de séduction amoureuse.
Dans le mannequinat on se fait beaucoup draguer, ou on est
tellement iconisée, que ça refroidit toutes les ardeurs ?
C’est un milieu où les gens ont tellement l’habitude de voir
des belles filles… Moi je ne me suis jamais faite draguer par un photographe,
même si je sais que ça arrive. C’est aussi une question de savoir gérer les
gens surplace. De toute façon, c’est la fille qui décide, on peut me draguer,
de toute façon c’est pas possible.
Y’a-t-il des traits communs à tous les hommes qui tu as
rencontrés ?
En fait, je ne savais pas ce que je voulais. J’ai toujours
eu un copain, mais sans vraiment savoir où j’allais. Mon premier copain c’était
bien, mais c’est normal, c’était le premier amour. Après il y a comme un trou,
et puis il y a mon mari. Pour moi, il y a ma vie avant mon mari et ma vie
après. Il est l’essentiel de tout. Mon bonheur, ma vie ont commencé quand je
l’ai rencontré. Je ne m’y attendais pas du tout d’ailleurs. Je ne savais pas
que l’amour est une explosion dans l’univers, je ne pensais pas que ça pouvait
aller jusqu’ à aimer quelqu’un plus qu’on s’aime soi même. Je ne pensais pas
que la vie puisse se centrer sur une personne. Je ne peux pas m’imaginer sans
lui : je serai incomplète, malheureuse, handicapée, jusqu’à la fin de mes
jours.
Quelles sont les qualités masculines qui te sont essentielles
que tu as trouvé chez lui ?
Ce que j’ai trouvé chez Christian, je ne l’ai jamais vu
ailleurs : il a le courage d’un guerrier. Je me suis toujours posé la
question en regardant un homme :
est-ce qu’en cas de grand danger comme un incendie ou une guerre, cet
homme serait capable de sauver ma vie, même en donnant la sienne. C’est un
stratagème simple, on imagine tout de suite la réponse. Avec mon mari je vois
la bonne réponse. Il a cette honnêteté qui va avec le courage. Les gens font
beaucoup de compromis aujourd’hui, Christian il est très vrai et très brave. C‘est un héros pour moi.
Même en temps que guerrier retraité ?
Ça n’arien à voir avec son ancien métier, même si dans le
sport les qualités de courage se voient davantage. Je sais que je peux toujours
compter sur lui s je lui demande quoi que ce soit. Je suis sa princesse.
Tu aimes sa virilité ?
J’aime les hommes qui
restent hommes, je n’aime pas ceux qui portent des bijoux, qui passent trois
heures à se coiffer devant un miroir.
Mon mari est très viril. Et pourtant je suis une femme indépendante,
j’ai ma vie, j’ai mon travail, tout l’argent que je gagne ? Mais j’aime
être que quelqu’un s’occupe de moi.
C’est étonnant de voir l’absence de compétition égotique au
sien de votre couple, contrairement à ce qui se passe dans les couples stars.
Pourtant aujourd’hui en termes de revenus et de notoriété, tu es devant lui…
Je ne sais pas si je suis plus connu que lui. Il a gagné la
coupe du monde. Et ma notoriété est liée aussi à ça. Il n’y a aucune
compétition entre nous, quand nous nous sommes rencontrés, j’étais très connue
déjà, et je ne savais pas qu’il était footballeur, il ne savait pas que
j’animais déjà des émissions de télé. C’était très naturel. Et puis nos carrières
ont des points communs : il y a toujours du monde autour de nous, nous
sommes très regardés. Si j’étais sorti avec quelqu’un d’un autre monde, nous ne
nous serions pas compris.
Quels sont les défauts qui t’énervent chez un homme en
général, et chez le tien en particulier ?
En fait, j’adore ses défauts. Sans ses défauts, il ne serait
plus lui même. Je déteste les hommes soumis. Avec Christian, nous sommes
parfois dans la confrontation, il y a du piquant. Je déteste les hommes qui
essaient de vous acheter, avec leurs possessions, leurs biens matériels. Je
déteste les vantards et ceux qui ne sont pas capables de se défendre
physiquement. Je déteste le manque de masculinité. Je hais les hommes qui sont
domptables. Parce-que c’est un jeu : une femme va toujours essayer de
dompter son mari, sauf qu’une fois qu’il est dompté, c’est fini, il n’y a plus
de jeu. C’est un jeu qu’une femme ne doit jamais gagner. Moi, mon homme c’est
un tigre, il est indomptable.
Parle-nous de cette émission « Rendez- Vous en Terre
Inconnue » ?
Quand j’ai accepté cette émission avec Frédéric Lopez, en
Ethiopie, je n’imaginais pas en ressortir aussi bouleversée. C’était comme un
train vers 2 000 ans en arrière. Tu te rends compte que le simple détail
de ton lieu de naissance, conditionne toute ta vie. Quelle aurait-été la mienne
si j’étais né en Ethiopie ? J’étais surpris de voir à quel point ces gens
gardent la tête en haute et gardent le goût du bonheur et beaucoup d’amour en
eux. Tu relativises vraiment les petites choses de la vie qui te font chier
tous les jours.
Comment as-tu vécu le choc des cultures, particulièrement
rude en ce qui concerne le sort des femmes ?
J’essayais de ne pas monter trop de pitié, et c’était dur
notamment face au sort de certains enfants. L’espérance de vie est de 39 ans,
la vie est dure pour les hommes aussi. J’ai eu de la chance car j’ai été reçue
dans une famille où le chef avait décidé de ne plus exciser ses filles et
d’envoyer tous ses enfants à l’école. On sentait que quelque chose allait vers
mieux.
Tu es une femme engagée : ça vient des origines modestes, d’une volonté
de rendre ce que le monde du luxe t’a donné, où c’est une conscience politique
héritée du régime communiste et des combats menés par ton mari ?
Je n’en sais rien. Je n’y ai jamais réfléchi. La Croix Rouge
est venue me chercher et c’est argument de santé publique qui m’a touché.
J’étais destinée à des études de médecine, ce qui implique une sensibilité
particulière à la souffrance, d’avoir ce réflexe de vouloir aider. J’étais
touchée qu’une telle organisation m’approche mais j’étais frustrée de ne pas
pouvoir agir. Je veux dire, en dehors de donner mon image pour des spots publicitaires. C’est le seul moment de ma vie où j’ai
regretté de ne pas avoir terminé mes études. Si j’avais eu mes diplômes de
médecin, j’aurais pu aider dans les équipes de la Croix Rouge. Petit à petit je
me suis investi de plus en plus. On a beaucoup communiqué aussi sur les gestes
qui sauvent, le pourcentage de gens qui les connaissent a augmenté considérablement en 10 ans. Une fois que tu es dedans, tu en fais de plus
en plus. Quand tu voix la souffrance en vrai, tu ne réagis plus pareil.
Aujourd’hui on peut être belle et avoir un engagement
solide, actif, politique, et ce au plus haut niveau comme on l'a vu chez
Ségolène Royal ou Hilary Clinton ?
Je ne suis pas féministe, mais penser comme ça, c’est déjà
une sorte de discrimination qui me dérange. Moi je suis qui je suis, qu’importe
femme ou homme, l’action doit être faite. Je ne vois pas comme une femme qui
fait des choses, je suis un être humain qui agit.. Peut être est-ce plus facile
pour moi qui ai réussi dans un milieu ou c’est plus facile pur les femmes que
pour les hommes, je n’ai pas vécu la frustration d ‘être bloquée dans ma carrière
parce que femme.
Comment une femme comme toi s’entretient ?
Je ne fais pas grand-chose… Depuis 4 mois j’essaie de me
remettre au sport, car je suis entouré de pratiquant : mon mari, ma sœur…
Mais ça reste une activité pour laquelle je dois me forcer. Et je suis très
gourmande, alors je dois faire attention de temps en temps. Je ne bois pas, je
ne fume plus. Je fais des massages de temps en temps, mais surtout pour la
détente. Je ne suis pas obsédée par la beauté.
Comment te vois –tu vieillir ?
Je me vois juste vieillir avec mon mari à mes côtés. Sauf
que je trouve qu’il ne vieillit pas ! La vieillesse ne me fait pas peur.
J’ai davantage la crainte de perdre le bonheur
il y a tellement de choses bien dans ma vie, que j’ai peur de perdre
cette magie.
Des enfants, un
jour ?
Mon mari en veut depuis très longtemps. Je me pose toujours
3 milliards de question, ce sujet me fait peur. Mais en même temps je commence
à en ressentir l’envie. Je suis contente d’avoir pu attendre que cette envie
arrive. Parfois je suis à la maison, et je suis émue, j’en pleure
presque ! Je sens que le moment va venir bientôt.
Quelle image as-tu du père ?
Christian me guider dans cette aventure. Il adore les enfants :
il a 17 frères et soeurs. Je n’ai aucun
doute qu’il saura faire pour les tâches quotidiennes. Je peux imaginer un père
plus idéal que lui. Mais je m’occuperai de les éduquer : Christian il est
trop Papa Gâteau avec ses nièces et neveux.
Tu continues le cinéma ?
Le cinéma c’est un truc qui me chatouille. Je ne suis pas
formée à ce métier, et cela me fait peur.
Les propositions les plus tentantes me font toujours flipper. Mais chez moi
c’est bon signe quand j’ai peur. J’ai toujours eu peur de me lancer : à
mon premier défilé, avec la croix rouge. Si j’ai peur ça veut dire que c’est
juste une appréhension à passer et que derrière ça va être génial.